"Les illustrations imagées cachent des dangers. Elles donnent l’impression qu’elles sont faciles à lire et encore plus simples à expliquer, qu’elles se réfèrent à une réalité tangible. C’est exactement là où se situe le piège. Ce piège, Elli Chrysidou sait le manier avec dextérité. En insistant sur une peinture monochromatique, toujours illustrative, exprimée à travers l’utilisation de la couleur rouge, elle crée des images transparentes. Des images qui se situent « entre ». Entre l’image, son signifié et son signifiant, entre les différents niveaux de la peinture, entre la représentativité des peintures et l'absence de pertinence du fond blanc, entre le devant et le derrière, entre ce que l’on voit et ce qui est caché, entre ce qui est présenté et ce qui est montré. Emotionnellement contrôlée, la peinture de Elli Chrysidou utilise les motifs comme frontières d'image et de référence ; elle les utilisent plus comme prétextes et moins comme objets. Motifs qui, alors qu’ils pourraient nous renvoyer à des détails de tableaux de la Renaissance, déterminent un type de temps identifié soit comme un moment précis soit comme durée permanente. Et ils révèlent l’expérience et le ressenti, la place et la connaissance, la vue et conception de ce frémissement provoqué par la proximité de la présence imminente de l'Autre : d’un rhinocéros, d’une forme qui nous rappelle les peintures de Dürer, d’un autre rhinocéros avec des ailes qui blessent son dos. Rhinocéros : symboles de l’absurdité de l’art et de la vie, des animaux qui furent humains avant leur transformation. Dans l’œuvre emblématique de Ionesco, à laquelle Elli Chrysidou se réfère finement, tous les habitants d’une ville sont touchés de « rhinocérite » sauf Bérenger, Dudard et Daisy. Bérenger est enfermé dans son appartement, entendant les cris des rhinocéros, qui se précipitent pour détruire la civilisation. Dans sa solitude, il commence à douter de sa propre existence, de sa langue, de son apparence et de son cerveau. Seul, il se trouve fautif et essaie de se changer en rhinocéros. Il se bat et échoue... Dans ce combat où tout le monde essaie de se réconcilier, mais échoue, Elli Chrysidou prend parti. Elle revient devant son propre miroir, face à face avec ses images, elle se bat pour construire un nouvel espace et renouvelle à travers chaque œuvre la confrontation avec les rhinocéros. Elli, comme Bérenger, crie courageusement au public « je ne capitule pas ! ». Elle ne capitule pas, elle insiste sur ses œuvres rouges issues de passions subtiles et, je pense, elle entretient le questionnement : peut-on soulever le poids du vide qui persiste comme durée ou le moment récurent de l’absence ?"
Thouli Misirloglou Historienne d'art Directrice adjoint de MOMus-Centre Experimental pour les arts (Thessalonique)
Stories Art Gallery, London Solo Show, 2019 Opening Nov. 6th at 18:30 51-53 South Audley Street, Mayfair, London, W1K 2AA UK
Galerie Depardieu, Nice Solo Show, 2020 EXPOSITION JUSQU’AU 7 MARS 2020 6 rue du docteur Guidoni - 06000 Nice France